L’Oncle Sam est plus résistant qu’il n’y paraît ! Jamais, dans l’histoire du pays, les taux d’intérêt n’ont été si élevés (fourchette des Fed Funds entre 5,25% et 5,50%). Et pourtant, l’économie américaine reste florissante, comme l’ont encore prouvé les statistiques sur l’emploi publiées vendredi. La capacité des ménages à poursuivre leurs emplettes a déjoué tous les pronostics. Le consommateur américain est un ovni. Partout ailleurs dans le monde, la baisse du pouvoir d’achat a incité les populations à puiser dans leur bas de laine et à faire des économies. Aux Etats-Unis, les magasins ne désemplissent pas et l’activité e-commerce demeure soutenue comme le montrent les comptes d’Amazon (chiffre d’affaires du dernier trimestre aux Etats-Unis hors Cloud, en hausse de 13%).
Cette croissance américaine va-t-elle finir par ralentir ? Les avis sont partagés et même divisés, si l’on en croît Mirabaud Equity Research : « L’absence de consensus parmi les prévisionnistes est un contraste frappant avec l’année dernière (…) Amundi s’attend à une récession. Morgan Stanley n’en voit pas et estime que la Fed pourrait maintenir des taux élevés pendant une bonne partie de l’année. » En attendant, cette dynamique conjoncturelle est appréciée par Wall Street, car elle milite pour un maintien de la prospérité des entreprises américaines. Le bal des résultats bat son plein et montre, pour l’heure, que les profits sont encore largement supérieurs aux attentes des analystes financiers. Parmi les « Sept Magnifiques », Amazon et Meta ont particulièrement brillé. Toutefois, hier, New York a marqué une pause, dans le sillage d’une remontée des taux sur le marché obligataire. Le rendement de l’emprunt à 10 ans a bondi de près de dix points de base, à 4,12%.
Pas même de geste en mai
La question de la prochaine baisse des taux est, bien sûr, responsable de ces atermoiements et là aussi, un écart persiste entre ce que pense le marché et la réalité. L’envolée récente des indices montre que la Bourse parie encore sur un geste rapide. La raison penche plutôt vers une action plus tardive. Depuis les dernières données sur l’emploi, la probabilité pour le mois de mai est revenue de 100% à 70%. Cette détente monétaire pourrait être forte et rapide. En effet, si Donald Trump est réélu président en novembre, Jerome Powell ne sera pas reconduit (c’est ce que le candidat républicain a récemment déclaré). Il devra donc agir fermement avant son départ. Cela dit, il ne confondra pas vitesse et précipitation. Il l’a répété lors d’une interview hier : « Rien ne suggère que la Fed devrait réduire ses taux en mars ou même en mai », a-t-il précisé.
La Chine commence à bouger
Par ailleurs, quelques signaux positifs arrivent de Chine. La baisse du ratio de réserves obligatoires des banques apporte la preuve que le pouvoir s’inquiète de la faiblesse de l’économie et des possibles faillites de grandes firmes immobilières comme Evergrande. En outre, des mesures ont été prises pour renforcer la sécurité des investisseurs lors de leurs transactions en Bourse (limitation de la vente à découvert). Ce matin, un fonds d’investissement détenu par l’Etat a annoncé augmenter ses achats d’actifs domestiques. Ce sont des mesures ponctuelles de soutien, mais cela ne signifie pas pour autant qu’un grand plan de relance se prépare.
A l’inverse, attention au fret maritime. Peu de personnes évoquent ce problème, mais depuis le mois de décembre, la navigation par la mer Rouge est compliquée compte tenu des attaques des Houthis. Les tankers sont déviés de leur trajet habituel et transitent par d’autres voies plus sûres mais plus longues, ce qui renchérit le coût de transport. C’est à surveiller, puisque les tensions sur les approvisionnements, très fortes en 2023, devaient se faire moins vives cette année. Sur le marché du pétrole, la détente se poursuit, la visite du secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, hier, en Arabie saoudite laissant espérer une trêve à Gaza.