Sept gains hebdomadaires à Wall Street au cours des huit dernières semaines, n’est-ce pas un peu exagéré ? Et cette euphorie ne soulève pas d’interrogation. Presque aucun gérant ne tire la sonnette d’alarme et les banquiers rivalisent plutôt en prévisions optimistes. Seul Warren Buffet, dans sa dernière lettre aux actionnaires, a indiqué qu’il manquait d’idées pour investir ses 168 milliards de trésorerie. Si l’« Oracle d’Omaha » se montre attentiste, n’est-ce pas le signe qu’il faudrait se montrer prudent, après les derniers sommets ?
Les entreprises ont délivré des copies trimestrielles de belle facture, assorties de prévisions encourageantes pour 2024. Les bonnes surprises par rapport aux estimations du consensus ont largement dominé, ce qui a poussé les indices vers des niveaux records. Les investisseurs ont surtout été séduits par les sociétés technologiques orientées vers l’IA, telle Nvidia. Mais on s’arrache aussi les firmes de santé traitant l’obésité, comme Novo Nordisk ou les groupes de défense (guerre en Ukraine et tensions au Proche-Orient). Hors ces eldorados, les performances boursières sont plus mitigées.
Eternelle question sur les taux
La future orientation monétaire figure aussi au premier rang des préoccupations. Wall Street semble avoir accepté que la Fed ne se précipite pas pour assouplir sa politique. L’inflation PCE sous-jacente, baromètre préféré de la Fed pour mesurer l’évolution des prix, a connu son plus fort rebond en janvier depuis un an (+ 0,4%). Les boursiers ont donc bien compris que les taux ne baisseront pas avant l’été (les paris sont pour le mois de juin) et son ampleur sera bien moindre qu’attendu au début de l’année (3 baisses anticipées au lieu de 6). Le marché se console en regardant les données spectaculaires sur la conjoncture. L’économie américaine, toujours aussi solide, étonne.
En Europe, le tableau est bien plus sombre et il serait nécessaire d’infléchir les taux rapidement afin de relancer la machine. La récession guette, sous le poids de l’Allemagne, première économie de la zone euro. Or, selon plusieurs experts, la BCE n’aurait pas l’intention d’agir avant la Fed. Le gouverneur de la Banque d’Autriche a même déclaré, il y a quelques jours, que la BCE avait toujours agi après la Réserve fédérale lors des précédents cycles et qu’il ne voyait pas pourquoi cela changerait. Christine Lagarde devra veiller à ne pas prendre le même chemin que Jean-Claude Trichet, qui avait aggravé la crise en relevant les taux en juillet 2011.
On devrait en apprendre un peu plus sur leurs intentions demain et jeudi. En effet, Jerome Powell, le président de la Fed, va s’exprimer devant la Chambre des représentants, puis devant le Sénat. Et la patronne de la BCE donnera une conférence de presse après la réunion du comité du conseil des gouverneurs.
Toujours pas de vaste plan de relance en Chine
Aujourd’hui, l’agenda économique est un peu plus chargé que celui d’hier, avec notamment l’indice PMI des services de février pour la plupart des régions du monde. La Bourse pourrait aussi prendre en compte ce qui a été dit ce matin, lors de la 14ème Assemblée nationale populaire, le parlement chinois. Pékin attend, comme prévu, une croissance de 5% en 2024, « qui ne sera pas facile à atteindre » a reconnu Li Qiang, le Premier ministre. C’est le marché de l’immobilier en crise qui est le plus inquiétant, car il exerce une pression à la baisse sur l’économie, estime Wang Tao, chef économiste d’UBS. Des réductions de taxes douanières sur les importations de certains produits technologiques ont été annoncées, mais aucune mesure « choc » de relance. Les Bourses chinoises étaient dans le rouge à l’ouverture.
Sur le front des entreprises, Thales a connu une « nouvelle année record », mais a annoncé la restructuration de son activité spatiale, avec la suppression de 1.300 postes. Le chiffre d’affaires a progressé de 7,9% (à PCC) à 18,4 milliards et le bénéfice net (hors éléments exceptionnels) a augmenté de 14% à 1,7 milliard. Quant aux prises de commandes, elles sont restées stables, à 23,1 milliards. Le groupe vise une nouvelle hausse de sa marge cette année. Investir est à l’achat sur la valeur.
Source Investir